Depuis quelques semaines, nous entendons régulièrement parler de l’idée de certains de créer un mouvement similaire à celui d’Emmanuel Macron en Belgique rassemblant le cdH, DéFi, une partie d’ECOLO et une partie du MR. L’idée n’est à priori pas bête. En effet, le cdH est en perte de vitesse. DéFi n’arrive pas exister au-delà de Bruxelles. ECOLO fait face à l'impopularité de ses propositions écologistes et de la montée en puissance du PTB, lequel représente une menace sur sa gauche. Son espace politique ne cesse donc de se rétrécir. Les libéraux tentés par l’aventure en Marche y voient l’opportunité de réaliser le grand centre de Louis Michel pour marginaliser le PS.

Mais, revenons à notre interrogation de départ : sur quoi repose ce fantasme progressiste ? Il y a là un délire de journalistes qui veulent vendre du papier. A côté de cela, il y a des politiciens en fin de vie qui tentent de sauver leur peau. Je ne pense pas qu’il verra le jour.

D’une part, En Marche et son leader sont des purs produits du système politique et institutionnel français. Beaucoup vont me répondre que non. Macron est justement un homme sorti de nulle part n’ayant pas eu de mandat avant sa nomination au ministère de l’économie. Certes, il a été membre du PS quelques années, mais il n’a jamais été vraiment engagé en politique. En effet, le problème n’est tant ce qu’il a été, mais les différences qui existent entre la politique belge et française.

Les nominations de personnes dites de la société civile sont légions en France. C’est souvent un signe d’ouverture du nouveau président élu. Je ne citerais que deux cas emblématiques, Raymond Barre et Simone Veil. Nous pourrions donc dire que Macron n’a même pas inventé l’eau chaude avec son nouveau gouvernement. La situation belge est très différente. La nomination de gens issus de la société civile est plutôt rare ou alors c’est une personnalité issue directement ou indirectement du pilier socialiste, chrétien ou libéral. Il ne sera donc pas évident de faire émerger une tête nouvelle qui aurait la légitimité de construire ce nouveau mouvement avec une certaine virginité politique.

Ensuite, le système politique de la Vème république appelle ce genre d’hommes et de femmes politiques. Il y a un certain côté christique à la fonction présidentielle française Les français ont besoin d’un « sauveur » comme le général de Gaulle a pu l’être. Il y a plus encore. Cet homme providentiel doit créer son propre mouvement pour s’imposer. C’est pour cela que le système de primaire est contre-nature en France. En Belgique, il est difficile de faire reposer la notoriété d’un parti sur un seul nom. Cela a existé comme la LDD ou le parti ROSSEM, mais ces partis ont aussi vite disparu qu’ils ne sont apparus. Il faut beaucoup de cadres connus pour lancer et faire perdurer en Belgique un mouvement politique.

D’autre part, ce nouveau parti va se heurter indubitablement à un problème bien belge. C’est la frontière linguistique. C’est une idée bien francophone ce fameux mouvement. Il y a une réalité politique très simple en Belgique selon laquelle si tu veux changer quelque chose, il te faut un partenaire de l’autre côté de la frontière linguistique. Les difficultés de la N-VA pour s’imposer au gouvernement fédéral en sont la preuve flagrante.

Nous pouvons résoudre ce problème par deux manières. Soit, ce nouveau mouvement s’implanterait en Flandre. Soit, un parti du même type pourrait émerger en Flandre. Cependant, la dynamique politique en Flandre n’est pas la même. Les partis dits progressistes ont beaucoup de mal à exister actuellement. Donc ce n’est pas électoralement porteur. En outre, ils seront incapables de fusionner pour apporter une base solide à ce nouveau mouvement. Leurs différences sont trop grandes. Qui plus est, il est difficile de faire émerger un nouveau parti en Flandre. Il y a une trop grande offre politique en Flandre. Donc, ce sera impossible d’arriver à s’implanter de manière efficace.

Enfin, pourquoi faire ? Si je suis au cdH, ce n’est pas pour me rassembler avec des ECOLO ou des défis ou encore des MR. Si j’avais envie d’être avec eux, je serais avec eux et pas au cdH. Je suis au cdH car je suis un chrétien-social. Qu'irais-je faire avec ECOLO ? Autant je peux partager certaines propositions sur le plan économique et environnemental, autant je ne me retrouve pas dans leurs positions sur le plan sociétal. Il en va de même pour DéFi ou pour le MR avec lesquels je dois avoir autant d'atomes crochus qu'un hérisson avec un échidné. Je dois avoir autant d’atome crochu avec eux qu’un hérisson avec un échidné.

Je me bats depuis toujours des valeurs pas pour une place. Je me suis engagé en politique depuis quasiment dix ans et ce n’est pas aujourd’hui que je vais renier mes convictions pour répondre à une mode. Pour toutes ces raisons et vous l'aurez compris, je ne peux souscrire à pareille initiative.